lundi 8 mai 2017

Escale 3




Nous sommes comme absent à nous-mêmes quand nous vivons certaines expériences qui nous dépassent. Il nous faut beaucoup de temps pour réaliser que nous en sommes les sujets.
Nous sommes enthousiastes, prompts à une certaine effervescence. Parfois, nous pleurons.
Il est assez difficile de parler de ces choses.
Les larmes m'ont toujours fasciné car dans les milieux spirituels, dans les cercles qui privilégient la concentration, le retour sur soi, nous sommes souvent envahis par une émotion qui manifeste la plupart du temps une brutale, mais bénéfique prise de conscience.
Je pense que les larmes ne sont pas une démonstration ostentatoire, mais bien plus, comme une sorte de retour à l'origine.
Nous sentons notre pauvreté.
Nous comprenons que nous sommes face à quelque chose qui nous dépasse.
J'ai vu des soufis pleurer de tout leur corps, secoués par l'indicible.
J'ai vu leur poitrine se soulever et leur tête s'enfoncer entre leurs épaules comme en proie à la plus grande des détresses.
Les larmes sont les souvenirs qui remontent en marée nostalgique.
Rien n'y fait.
J'ai vu le plus viril des hommes devenir simplement un enfant qui ne sait plus rien.
Le soufisme est une Voie d'Eveil intérieur.
Il existe d'autres voies.
Elles ont toutes le même but.
Faire acte de retour sur Soi.
Provoquer le basculement.
La plupart du temps, les séances visent à rassembler la lumière et à l'orienter consciemment vers le cœur. C'est-à-dire le centre.
Le rattachement à une Tradition permet d'éviter les expériences déviantes, voire dangereuses. Le cadre est la garantie de ne pas se perdre en cours de cheminement.
Le Maître prend le relais. Il est surtout un guide, voire un maître de séance et veille au bon déroulement.
L'intention est capitale.
Souvent, le cheikh nous rappelle à cette pureté de l'intention.
Il sait reconnaître en l'autre cette aptitude à ne chercher que L'Un.
De fait, le mourid est mis à l'épreuve.
Cela peut prendre des années.
Certains aspirants n'obtiendront que la paix et l'unité en Dieu, ce qui est déjà en soi énorme.
D'autres auront un parcours plus long, un relief de vie intérieure plus profond.
Le chant des soufis est une pure poésie d'amour et de nostalgie.
La particularité du lien à Dieu passe par Le Prophète (à lui La Paix), car il est ce par quoi tout procède depuis l'origine. Il est Le Verbe de La Création. Il est La Lumière qui éclaire depuis L'Aube du Monde. Il est celui qui est avant la création d'Adam (à lui La Paix). Il est le sceau de la prophétie qui réunit toutes les lumières. Il est La Bouche qui prononce tous Les Verbes de Dieu. Il les réunit et les porte éternellement. Son apparition n'est qu'une forme occulte et apparente de Sa Réalité. Il marche au milieu des hommes, comme les hommes. Il ne se distingue pas. Il vit tels que les hommes vivent. Il est l'enseignant spontané et nous dévoile à nous-mêmes. Tout est encore à se révéler, comme n'étant jamais fini.
En ces cercles de Dhikr, nous cristallisons notre pensée en ce Messager venu à la fin des temps. Il est les dernières nouvelles du ciel qui pleuvent encore sur l'Humanité. C'est une pluie qui est riche et féconde. Aujourd'hui encore, nous sommes à le constater.
Que La Paix soit sur lui, noble et humble.
Il est encore drapé dans son humilité, car il est parmi les plus pauvres et les plus bafoués.
Lui, L'Orphelin que l'on méconnaît et dont on déforme constamment la réalité.
Paix sur Sa Famille et sur tous les univers.

Philippe Safar

2 commentaires:

  1. Merci Philippe pour ce texte riche et de grande sensibilité.

    Océan sans rivage

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